La montagne bleue

Depuis ma plus tendre enfance, je la voyais, l’enviais, la priais : la voulais. Cette Montagne Bleue. Combien de temps pouvais-je rester assis par terre à la contempler. Déjà au berceau, mes yeux s’illuminaient quand je la voyais. Je me l’étais promis : un jour j’irai là où aucun homme n’a jamais été. J’escaladerai la Montagne Bleue pour découvrir ce qu’elle cache en son sommet.

Le Paradis : la cime des arbres n’effleure pas autant la voûte que ma Montagne Bleue.

Le jour de mes 17 ans, j’entrepris de l’escalader, accompagné de cinq compagnons. Nous arrivâmes au sommet un mois plus tard et deux personnes en moins. Ce que nous vîmes là-haut nous coupa le souffle : jamais dans toute ma vie je n’avais vu pareille beauté ! Mes amis et moi-même restèrent longtemps bouche bée devant tant de splendeur.

Pouvions-nous y toucher ?

Nous ne l’avions pas vu plus tôt, il avait fallu grimper jusqu’au dernier roc pour la voir… Tant le brouillard était épais sur cette Montagne Bleue. Je m’approchai.

Elle restait immobile. Étendue sur le sol, telle l’herbe des vertes plaines. Je la touchai. Elle semblait morte. Froide comme la lune. J’expliquai à mes amis que nous devions la rapporter au village. Ceux-ci se méfièrent, mais finirent par accepter. Je la mis dans mon sac.

Durant tout le trajet nous n’osâmes pas la regarder. Et si elle était encore vivante ? Il valait mieux attendre d’être dans le village et ne pas agir imprudemment. La descente fut beaucoup plus aisée que la montée. Ainsi une semaine plus tard nous fûmes rentrés au village.

Le chef nous accueillit. Sans un mot je lui tendis mon sac en peau de bête. Je souriais. Je n’attendais qu’une chose : voir son visage émerveillé à la vue d’ELLE. Il ouvrit craintivement la besace. Son visage se fit alors mécontent. Plein de rage. Toute une expédition pour ça. Il retourna le sac.

Non ! Elle va la casser ! Elle est si fragile !

De l’eau dégoulina du sac. Elle avait disparu ? Non ! Elle s’était transformée.