L'énigmatique éclaireur

Toutes les nuits, il avance dans le noir. L’énigmatique éclaireur.
Quand je l’ai vu pour la première fois, mon cœur s’est arrêté. La lune bleutée éclaircissait l’avenue des Cerisiers. Je ne pouvais détacher mon regard de son visage laiteux.
Il est bientôt dix-neuf heures, j’ai déjà allumé des centaines de bougies en attendant que le soleil se couche complètement. Que fait-elle dehors à cette heure-ci ? Je me sens touché par la grâce.
Il me fixe. L’énigmatique éclaireur.
J’avance doucement vers elle. Déterminé. Oserai-je lui parler ? Oserai-je croiser son regard ? J’arrive à ses côtés.
Il s’approche. L’énigmatique éclaireur.
Je lui demande ce qu’une jolie jeune femme comme elle fabrique dehors à une heure pareil. Elle me sourit, sort une cigarette d’une boîte en fer de son sac. L’allume et inspire. Je prends du plaisir à la voir fumer. Elle ne me répond pas. Elle n’a pas l’air effrayée. Elle me connaît, je le sais, je le sens.
Je dois lui parler. Il m’attire. L’énigmatique éclaireur.
Elle me dit qu’il lui arrive souvent de sortir au coucher du soleil, que la vue du ciel orange l’apaise de ses maux, de ses souffrances. Qu’elle désire fuir la réalité. Elle s’appelle Alice. Elle me propose de marcher avec elle. Je la suis, elle me suit, nous marchons au hasard des rues, jusqu’à arriver à cette ruelle sombre où elle me tue. Elle me tue d’un baiser au doux parfum de la mort, de la souffrance et de la peine.
Je suis étourdi. Elle a les lèvres si douces.
Je l’ai fait. Je dois le quitter. L’énigmatique éclaireur.
Je la vois qui recule de quelques pas, ne t’en vas pas, belle inconnue.
Tes cheveux sont les lianes brunes
Qui me feront m’évader de la mort.
Je me souviendrai de toi,
Jusqu’après ma vie, ô Alice !
Déesse de l’Amour et de la Tentation,
Le solstice n’est pas assez long pour
Découvrir qui tu es.
Découvrir qui tuer pour te posséder.
Doux poison infiltrant mes lèvres verdies
Un baiser mortel
La mort vaut bien cette petite seconde
Où nos regards se sont croisés.
Je prierai toute la nuit pour qu’aucune
Peur ni tristesse ne te dévorent
Je me souviendrai de toi,
Jusqu’à la fin du solstice.
Que Dieu maudisse cette malédiction,
La vie, MA vie continuera son court
Embrasser et tuer.
En baissant mes yeux pour ne pas céder
Aux regards tentants, aux non-dits.
Un baiser mortel
Et tu quittes peu à peu ce triste monde
Où tes lèvres sur les miennes se sont posées.
L’énigmatique éclaireur que je suis n’est plus.
L’énigmatique éclaireur que je suivais n’est plus.