Canicule

Le soleil est au zénith. Dans la rue, seuls des fous osent encore sortir par ces températures excessives. Un été meurtrier a commencé. Le gouvernement a été clair, les personnes âgées ne doivent pas être oubliées. Ainsi, des bénévoles parcourent les maisons de retraite et donnent à boire aux mamies et aux papis en difficulté.

Seulement, tout ceci n’est qu’une hypocrisie de la part de l’État, qui rêve secrètement que des milliers de personnes âgées meurent sous la chaleur ; remédiant ainsi au problème des retraites et de surpopulation dans les villes. Quand une journaliste a enquêté sur une vaste mise en scène orchestrée par l’Etat pour minimiser la gravité de la situation, ça a dû chauffer au ministère pendant de longues semaines.

Le nombre de morts annoncé a, en effet, été diminué de cinquante pour cent. Des corps ont été enterrés sans sépultures. L’affaire a eu un retentissement étonnant… pendant deux mois. Et puis, l’automne arrivant, tout a été oublié.

Les personnes âgées, elles, n’avaient pas oublié. Ces éléphants ruminaient une vengeance contre l’État. Parce qu’ils avaient été délaissés de manière sournoise. Après plusieurs mois, en janvier, un membre de l’Union Confédéral des Retraités eut l’occasion de s’adresser directement au Président de la République en le menaçant de la sorte :

« Si vous ne changez pas de politique d’ici aux prochaines élections, ne comptez pas sur les voix des dizaines de millions de personnes de plus de soixante ans. »

Après ce rendez-vous, le Premier Ministre s’inquiéta de la situation auprès du président lui-même. Ce dernier eut un discours rassurant :

« Ne t’inquiète pas, d’ici aux prochaines élections, les deux étés qui viendront auront eu le temps de diminuer la révolte. La nature est bien faite n’est-ce pas ? »