La course

Les nuages menaçants clairsemaient une partie du ciel au-dessus des champs de maïs. Un vent humide et tiède caressait les épis ocre et invitait le temps à gronder. Les quelques fermiers du coin continuaient à moissonner leurs récoltes sans se soucier des vrombissements à l’horizon.

En contrebas de la plaine, des enfants jouaient avec des pétards démons, les explosions défiaient la nature sous son ciel assombri. La fin de la journée s’annonçait, et l’heure du souper allait bientôt sonner.

Les enfants, bercés par l’insouciance de la jeunesse, jetaient leurs cartouches rouges en l’air à la dernière minute, juste avant qu’elles n’explosent dans leurs mains. Le brouhaha violent qui en résultait les faisait pouffer des rires coquins et espiègles. L’assurance que rien ne pourrait jamais leur arriver de mal dépassait l’entendement de l’âge adulte.

Quelques gouttes d’une pluie douce tombèrent sur leurs têtes. L’un des enfants leva le visage vers le ciel et sortit sa langue. Le goût neutre de l’eau des nuages, se mêlait à l’amertume de ses larmes. Il le savait, ils vivaient ainsi leur dernier été tous ensemble et dans quelques semaines, ils allaient être séparés dans des institutions différentes.

« Le ciel commence à craquer ! Nous devrions nous abriter sous le préau ! Le dernier arrivé est un rat baveux ! »

Ils coururent à vive allure, protégeant leurs pétards de la pluie sous leurs vestes trop grandes pour eux. L’herbe verte et tendre glissait sous leurs chaussures en cuir, et l’un d’eux faillit tomber à plusieurs reprise.

Alors qu’ils n’avaient pas encore atteint le préau, les cordes tombaient plus raides et plus vigoureusement. Sur leur front, glissaient de grosses perles limpides qui imbibaient leurs sourcils clairs. L’un d’eux arriva le premier, fier comme un athlète, sautant de joie de ne pas être un rat baveux. Les autres arrivèrent presque en même temps.

Il n’y avait, cependant, guère de vaincus ou de vainqueur, ils célébraient le triomphe de cet exploit glorieux contre les éléments. Ce jour-là, et tous ensemble, ils battaient l’orage pour la dernière fois.