Nocturne

Je me suis mal réveillé. Je suis tout seul perdu entre le sommeil et la réalité. J’erre parmi ces gens que je connais et qui me connaissent. Je suis perdu au milieu de la foule inconsistante. Je suis comme cet été qui a fini trop vite. Ces arbres doutent. Leurs feuilles sont couchées sur le parvis aux damiers blancs.

Mon Dieu. Comme j’aimerais me réveiller et pouvoir revoir la lumière de la lune. Retourner à ces fêtes interminables qui sont finies. Goûter une dernière fois à ces filles du soir, à ces adieux du matin, et à me délecter de l’absence des problèmes du jour.

Seulement, il est neuf heures du soir. Et je ne me suis toujours pas complètement réveillé. Dehors, ces gens qui m’attendent. Je ne suis pas encore prêt. Laissez-moi reprendre mon souffle. Je n’en peux plus, je n’en peux plus de ces fêtes interminables, de ces filles du soir, de ces caresses nocturnes, de ces adieux matinaux.

Jamais, non. Jamais une minute n’a pas paru plus longue que cette minute-là. Quand mon regard s’est posé sur l’Aurore. Une Aurore boréale. Il pleuvait. Il pleut toujours.

Je ne suis pas encore réveillé. Je ne broncherai pas. Je ne respire quasiment plus. Cette bonne odeur de sang encore chaud ne suffit pas à m’extirper de ce doux rêve. Je suis malade. Malade de cette immortalité.

Je me mords la lèvre, ce liquide écarlate qui dégouline sur mon menton tremblant. Je le goûte, le déguste. Je me régale. Voilà que pour la première fois dans ma mort-vie, je rêve d’être vivant.